On se retrouve pour un nouveau « Raconte-nous un cosplay » , et ce mois-ci c’est Kayaba Cosplay qui nous parle de la confection de son costume de « Moro » la mère louve du film « Princesse Mononoké ».

  • Nom du personnage : Moro
  • Univers d’origine : Princesse Mononoke
  • Genre : Animation japonaise
  • Type de costume : mixte craft et couture

Qu’est-ce qui t’a poussé à faire ce personnage ?

Pour le show Ghibli de BoH, je voulais faire à la base un autre personnage qui me tient beaucoup à cœur, mais ce personnage étant déjà pris, j’ai dû en faire un autre. J’ai donc hésité entre Porco de Porco Rosso et Moro. J’aurais adoré faire Porco, mais j’aurais été tout seul sur cette œuvre pour le show, ce que je ne voulais pas. J’ai donc fait Moro, la mère louve de Mononoke pour constituer un grand sous-groupe Mononoke. 0 regrets ! 

Les autres personnages me semblaient plus faciles à faire mais Moro n’a, à ma connaissance, jamais été fait en cosplay (en tout cas, pas par un humain, puisque quelques chiens s’y sont essayé🐺). Son côté imposant m’allait vraiment bien et je voulais pousser le côté géant à fond. Jouer sur ma grande taille pour vraiment lui rendre honneur. 

Au fur et à mesure de la fabrication du costume, j’ai pu redécouvrir le personnage, sa philosophie et ce qu’il représente dans Princesse Mononoke. C’est un personnage-esprit, qui personnifie le côté impitoyable de la forêt contre lequel se battent les hommes. Elle représente aussi l’aspect protecteur de cette nature intimidante. A force de revoir le film de Miyazaki, j’ai remarqué que le personnage est ambigu sur bien des aspects. Doublée par une femme en VF, c’est une voix masculine qu’elle a en VO. Cela rend le personnage d’autant plus intriguant et mystérieux. C’est un personnage qui n’a pas d’âge, pas de genre, qui accepte de mourir car elle laisse la place aux humains sans pour autant leur faire confiance. C’est une mère dont il faut se défaire pour mieux grandir. Une force de la nature qui a fait son temps.

Du point de vue du costume, le show imposait une transposition de tous les personnages en kimono. Moro allait donc devoir être complètement repensée dans son design. Pour moi qui suis généralement les références de très près, c’était un défi que j’avais envie de relever avec Moro car quitte à changer un design complètement, autant partir d’un design impossible à faire à la base. Je ne me voyais pas fabriquer totalement un fursuit donc la transposition imposée par le show Ghibli de CGC m’allait très bien. Ce qui aurait pu être une contrainte est devenu une vraie liberté pour moi. Et puisque ce sera certainement la seule occasion pour moi de faire ce personnage, j’ai opté pour elle.

Avant de démarrer, quelle partie du cosplay te faisait le plus peur ?

A priori, je ne voulais me lancer dans aucune technique que je ne sentirais pas ou qui me faisait peur. Comme il n’existe pas de référence précise, j’ai pu faire ce qui me plaisait et seulement ce que je voulais. Pas de ref’, pas de pression !

Quelle technique as-tu découverte grâce à ce cosplay ?

J’ai utilisé beaucoup de techniques différentes pour ce cosplay, mais beaucoup sont des techniques que je connaissais déjà ou sur lesquelles je me projetais facilement. 

Une grande inconnue pour ce costume a été l’emploi de résine élastomère pour la truffe du loup. C’est une toute petite partie, mais c’est une technique assez rarement utilisée par les cosplayers et même par certains experts du moulage résine. Je n’ai trouvé aucun tuto pour l’emploi de cette résine dont la texture est pourtant parfaite pour une truffe car elle est semblable à la texture d’une gomme de crayon. 

Pour être certain de mes mélanges entre les différents produits qui composent cette résine, j’ai dû acheter une balance de précision au centième de gramme car les balances de cuisine au dixième n’étaient pas assez précises.

Parle-nous un peu des étapes ?

  1. Moodboard 

Contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, je ne dessine jamais avant de fabriquer un costume. Je ne fige rien mais je garde tous les détails en tête. Ca me tient éveillé jusque tard mais ça me permet de beaucoup faire évoluer le costume au fil du temps. Je constitue un moodboard avec des inspirations. Pour Moro, ce moodboard est composé essentiellement d’images de samurai, de loups-garous et de captures d’écran du film.

  1. Les échasses

J’avais très envie de modifier ma morphologie et ma façon de me mouvoir pour ressembler plus à un loup. Il me fallait donc des échasses pour : 1. Prendre 30cm  2. Allonger mon pied 

Comme je n’avais jamais fait d’échasses, j’ai décidé de faire un modèle que je puisse modifier facilement. J’ai donc choisi le bois découpé au laser mais tout ceci aurait très bien pu être coupé à la scie sauteuse ou à la scie à ruban.

Pour plus d’infos sur les échasses, les étapes sont ici : https://fablab.lacasemate.fr/#!/projects/echasses-a-assistance-de-marche

  1. La tête du loup

J’avais deux options pour la structure de la tête du loup. La mousse ou la 3D. Je ne pensais pas arriver à un niveau de détails suffisant avec de la mousse donc j’ai choisi la 3D. J’ai récupéré un modèle de masque de loup sur Thingiverse et je l’ai adapté à la taille de ma tête. Une fois à la bonne taille, il ne rentrait plus dans la machine donc j’ai dû le recouper en plusieurs morceaux que j’ai imprimés un par un. J’ai utilisé un PLA classique et mon imprimante étant équipée d’un détecteur de fin de fil, j’ai pu aussi utiliser les fins de bobines à ma disposition. C’est pour ça que les pièces ne sont pas toutes de la même couleur. Il y en a eu pour 50 heures d’impression en cumulé.

Une fois tous les morceaux imprimés, je les ai collés avec de la colle néoprène. 

Une fois la colle sèche, j’ai utilisé un fer à souder pour faire refondre les bords des pièces en 3D et définitivement les souder entre elles. 

Une fois toutes les pièces assemblées entre elles, j’ai pulvérisé de la mousse expansive entre l’intérieur du masque et une tête à perruque (protégée par un sac plastique) pour que la mousse expansive prenne la forme de ma tête.

J’ai inséré des sangles avec des clips à l’arrière pour pouvoir attacher le tout à ma tête.

Puis j’ai peint en noir avec une peinture acrylique en aérosol.

Une fois sèche, j’ai fait un patron pour la fourrure. J’ai enroulé le masque dans du cellophane et recouvert le tout d’adhésif (j’utilise de l’adhésif tramé, ça se découpe mieux et ça se déforme moins que de l’adhésif classique). Une fois recouverte, j’ai tracé les formes des pièces au marqueur an suivant les crêtes du modèle 3D. 

Enfin, j’ai découpé et reporté les pièces sur du carton plume pour pouvoir les manipuler plus facilement.

Avec les pièces de carton plume, j’ai pu tracer sur l’envers de la fourrure mes pièces en faisant attention au sens du poil de la fourrure. La dernière chose que je voulais, c’était d’avoir de la fourrure dans des sens opposés sur des pièces côte à côte, ça aurait fait un poil hirsute et ça aurait cassé la forme.

Une fois reporté sur la fourrure, j’ai coupé et collé les morceaux sur la tête imprimée en 3D avec de la colle chaude.

Ensuite, j’ai donné du volume à la fourrure en utilisant un aérographe et de la peinture acrylique. J’ai pulvérisé un bleu gris à la base du poil dans les endroits ombrés comme l’intérieur des oreilles, l’intérieur des yeux et les contours des sourcils. 

J’ai peint ensuite les dents du loup et son palais. 

Enfin, j’ai intégré une paire de LEDs dans les yeux. Le bloc pile est inséré dans un logement creusé dans la mousse expansive. 

C’était la première fois que j’utilisais l’impression 3D à si grande échelle.

  1. La truffe

Comme expliqué plus haut, je voulais que la truffe soit souple. Pour ça, je pouvais l’imprimer en 3D mais j’aurais eu un effet de couches irrégulières et la souplesse n’aurait pas été correcte. En effet, en 3D, on crée des irrégularités dans les pièces en choisissant un sens pour le remplissage. Ce qui aurait fait qu’en appuyant sur le dessus de la truffe, on aurait pas eu la même sensation qu’en appuyant sur le devant. Et c’est beaucoup moins satisfaisant. 

J’ai donc vu qu’il existe des résines souples et des colorants pour ces résines. Ce sont les résines élastomères. 

J’ai donc sculpté une truffe en plastline (en prenant modèle sur la truffe de mon chien). La plastiline est une sorte de pâte à modeler réutilisable à l’infini. Très dure à température ambiante, elle ramollit à la chaleur. 

C’est très pratique pour sculpter des formes à mouler à la suite. J’ai ensuite créé un coffrage et coupé la truffe en deux pour la placer en deux morceaux dedans. Ensuite, j’ai coulé du latex par dessus. Une fois le latex sec, il a fallu démouler le positif en faisant attention à ne pas déchirer le moule. Enfin, il a fallu mélanger les deux parties de la résine élastomère, ajouter la teinture et la couler dans le moule.

Le mélange doit être extrêmement précis. Quelques gouttes de trop, et la résine ne sèche jamais, quelques gouttes en moins et la résine suinte en permanence. Évidemment, c’est encore plus sensible à cause de la teinture. 

J’ai recommencé plusieurs fois. Le pire, c’est d’attendre parfois plusieurs semaines avant de savoir si la résine est vraiment dure.

  1. Le kimono

Je pense que si vous regardez bien le show Ghibli, vous verrez ce patron utilisé et interprété chez de nombreux cosplayers. Pour le mien, je l’ai fait en lin et j’ai ajouté des épaulettes. 

Comme d’habitude avec les patrons du commerce, si je prend ma largeur d’épaule comme mesure pilote, je fais du XL, si je prend mon tour de taille, je fais du S. J’ai donc fait un XL et je l’ai modifié fortement pour qu’il me suive un minimum à la taille.

Le lin que j’ai pris était particulièrement fin et difficile à travailler. Il suffit de le regarder pour qu’il prenne un faux-pli et repasser le kimono entier prend plus d’une heure. (A tel point que je l’ai transporté à Clermont épinglé d’une centaine d’épingles)

  1. Les sabres

Les sabres sont un élément important du costume. Je me suis posé beaucoup de questions quant à eux. Dans le film, le sabre est l’arme du samurai donc l’ennemi de Moro. Mais c’est aussi un symbole de puissance et de tradition. Ce que je trouvais aller assez bien au personnage. J’ai donc voulu lui en donner. Par deux, un katana et un wakizashi.

J’ai pris pour image de référence un couple de sabres forgés par Masamune, le maître forgeron japonais. J’ai trouvé l’image sur le site du musée des armes japonaises. 

Je voulais pouvoir emporter les sabres avec moi en convention. Ils devaient donc être légers et souples. J’étais donc obligé de les recouvrir de mousse. J’ai fait une âme en bois pour chacun d’entre eux afin qu’ils tiennent leur courbure. 

J’avais accès à du contreplaqué de 5mm d’épaisseur que je devais impérativement doubler en opposant le sens des fibres du bois des deux plaques. Sans quoi, je n’aurais eu aucune résistance et les sabres auraient cassé au premier choc. En recouvrant les âmes de mousse EVA de 5mm; le tout aurait fait 2cm d’épaisseur totale. Ce qui aurait été beaucoup trop pour des sabres. J’ai donc entrepris de poncer le bois et la mousse avec ma ponceuse à bande.

Une fois l’âme assemblée et poncée, j’ai donc collé par-dessus les parties en mousse avec de la colle néoprène et j’ai repris les opérations de ponçage pour faire le biseau de la lame.

Les poignées des sabres sont en bois et mousse enroulés dans du lacet, noué à la façon japonaise.

J’ai tenté un texturage des poignées en mousse, mais je n’en suis pas satisfait. On ne le voit pas malheureusement.

J’ai peint ces sabres à l’aérographe pour éviter les coups de pinceaux.

J’accroche les sabres à ma ceinture avec un lien en cuir que j’ai maté avec une fleur de cerisier. Je l’ai fait sur mesure pour que les sabres s’y insèrent parfaitement sans abîmer la mousse.

  1. Les queues

Moro a deux queues que je voulais souples mais je voulais aussi qu’elles suivent mes mouvements. On raconte que c’est réussi car elles me suivent quand je bouge les fesses !

Pour obtenir cet effet -absolument inutile donc totalement indispensable- j’ai conçu une structure interne aux queues.

La structure est en bois et suit le patron des queues. La structure est évidée au centre pour pouvoir mettre de la ouatine à l’intérieur et rendre la queue souple. Pour la connecter à ma taille, j’ai un harnais découpé au laser en bois qui suit la courbe de mon dos sur lequel j’ai un système de fixation.Les queues se connectent ensuite avec deux clips et je rabats un pan de fourrure par-dessus pour cacher le tout. Au milieu de l’accumulation de ceintures de ce costume, j’en ai deux qui sont en fait doublées avec de la sangle en polypropylène pour que le harnais soit bien ajusté.

Je n’avais jamais conçu de mécanisme pour un cosplay.

Au point du projet où tu es rendue, quelle est la partie qui t’a donné le plus de difficultés ?

Beaucoup de parties m’ont posé des difficultés mais je dirais que l’adaptation du kimono à partir du patron a représenté une difficulté surprise à laquelle je ne m’attendais pas.

Y a-t-il une pièce que tu as dû refaire ? Si oui, pourquoi ?

J’ai dû refaire 4 fois la truffe depuis le début, une fois les sabres depuis le début, une fois le harnais depuis le début et il y a 2 versions pour les échasses.

La truffe, j’ai dû la refaire deux fois car les dosages de résine et de catalyseur n’étaient pas bons (puis j’ai acheté une balance de précision) et une fois parce que des souris dans la cave de mes parents (oui oui🐭) en avaient mangé un bout. J’ai eu le même problème de souris qui ont laissé des traces de dents sur les sabres. J’ai cassé le harnais en bois en me baissant en répétition et les échasses ont été refaites pour être plus confortables (ce qu’elles ne sont pas, mais il était impossible d’envisager de les porter dans leur première version.)

Que te reste-t-il à faire ?

Je voudrais modifier complètement les échasses pour amplifier le côté long pied et les rendre vraiment confortables.

Je voudrais aussi que les pattes rendent mieux, les doigts sont en bois brut, je voudrais les sculpter pour qu’ils aient une forme plus précise.

Je referais bien les queues pour les mettre plus à l’horizontale.

Et l’idée originale était de les motoriser pour qu’elles bougent toutes seules mais je ne suis pas certain de l’effet.

Pour les gardes des sabres (tsuba), je n’ai jamais réussi à m’arrêter sur un design qui me plaise donc je les referai bien avec des jolis motifs qui rappellent le film. 

Quand as-tu ou quand souhaites-tu sortir ce cosplay pour la première fois ?

Ce cosplay est sorti pour la première fois à CGC 2022. Il ressortira avec BoH à l’occasion pour les show Ghibli. Malheureusement, il n’a aucun sens hors de son groupe.

Y a-t-il quelque chose que tu ferais différemment ?

Je pense clairement que j’achèterai un tissu différent pour le kimono. Le reste ce sont des essais et des erreurs inévitables lors de la création d’un cosplay. C’est comme ça qu’on apprend. 

Où as-tu acheté les fournitures ?

J’ai acheté la mousse chez Cosplay Craft, les tissus chez Indigotex et tissus.net. Les résines chez resines-et-moulages.com

Un conseil pour quelqu’un qui se lancerait dans ce genre d’aventure créative ?

Être ambitieux mais prévoir des versions de son cosplay. Faire des itérations ça permet de ne pas se faire surprendre et de pouvoir porter le cosplay pour des répétitions avec toutes les pièces avant qu’il soit totalement terminé. 

Une anecdote à raconter sur la création de ce cosplay ?

J’ai attrapé pas moins de 14 souris en une semaine dans mon atelier dans la cave. Elles se délectaient de ma mousse ! Une tapette a été achetée mais devant tant de violence, la plupart ont été piégées et relâchées pacifiquement. Il y a donc potentiellement une génération de souris avec un goût prononcé pour la mousse actuellement dans la nature donc rangez bien vos matériaux !